En fait: comment pensons-nous?
Il me semble que l’articulation RIS, empruntée à Freud via Lacan, constitue un outil aujourd’hui particulièrement efficace, “heureux” pour paraphraser Austin (1970).
En effet j’avais fait l’hypothèse que la distance entre nous-mêmes et ces peuples dits “primitifs” est en rapport avec la préférence que, à la différence d’eux, nous éprouvons pour une complétude toujours imaginaire: celle-ci s’oppose au sentiment d’“incomplétude” qui admet le vide, la séparation, le manque, la ré-union, la reconnaissance, la réciprocité, propres au registre du symbolique, registre au contraire bien présent chez les sociétés archaïques.
Nous pensons, depuis toujours en Occident, au moyen de certaines catégories mentales (nous les expliquerons mieux par la suite) telles que l’unité, le plein, le plus (le “toujours plus”), selon une visée que nous avons appelée de complétude. Nous ne consentons jamais à perdre quoi que ce soit et, pour éviter cela, nous énonçons nos actes en termes de maîtrise, d’action “sur” l’autre ou “sur” les autres et, plus récemment, en termes de “gain”.
Cette façon de penser s’est trouvée magnifiée surtout à l’époque moderne avec Locke, qui a théorisé (XVIIème siècle) la naissance de l’individu comme propriétaire de sa vie et de ses biens. En fait, l’individu sera libre de prendre place dans une société à économie marchante pour se vendre sur le marché “à égalité” avec d’autres hommes, également libres de vendre leur force de travail. Cela a conforté et continue de conforter notre façon de penser.
Depuis deux siècles, nous nous représentons comme des agents (économiques) et sommes actuellement devenus des acteurs (sociologiques). Nous nous considérons comme métreurs (de: mètre) et maîtres (dominateurs) de l’univers (que nous nous donnons pour tâche de “maîtriser”), des autres (que nous devons “dominer”, sous peine d’être “dominés”) et de nous-mêmes (comme si l’inconscient ne nous menait pas). Nous nous pensons comme des moi hypertrophiés, depuis le sujet de la philosophie classique –qui se définissait comme raison, conscience et volonté–, jusqu’au moi fort de la psychologie moderne, que celle-ci se propose de fortifier toujours davantage. Dans ce contexte, nos actions sont à analyser en termes de production en tant qu’action sur la nature: c’est par son travail que l’homme agit sur son environnement, dans le but de le maîtriser.
Nous passons le temps à imaginer des stratégies afin d’optimiser nos ressources, toujours rares par rapport à nos désirs, estimés infinis, et recherchons un “bonheur” auquel nous avons, selon nous, tous “droit”.
En conclusion, nous sommes porteurs de valeurs imaginairement fortes, régies par les catégories de la complétude imaginaire: l’unité, le plus et le plein.
C’est justement le privilège accordé à l’imaginaire, ainsi que l’emploi de catégories qui lui sont propres, qui nous amènent à des énonciations désobligeantes, sinon négatives, à l’égard de certains groupes et/ou de certains individus, ce qui nous évite de remettre en question notre propre façon de penser.
C’est l’emploi de ces catégories qui nous amène à penser en termes de pauvreté et exclusion ceux qui ne sont pas “forts”, étant forcément des “faibles” car ils échappent à la mise en scène de la société des “forts”: il est en effet impossible de les appréhender par les catégories de ces derniers.
Les dichotomies “actifs/inactifs”, “forts/faibles”, “riches/pauvres”, “Nord/Sud”, etc., appartiennent à ce plan. La distinction entre sociétés “fortes” et “faibles” aussi. Sur ce plan, en effet, au-delà de la “force” il n’y a que “faiblesse” qui, décrite négativement, est à éliminer.
Il me semble que l’articulation RIS, empruntée à Freud via Lacan, constitue un outil aujourd’hui particulièrement efficace, “heureux” pour paraphraser Austin (1970).
En effet j’avais fait l’hypothèse que la distance entre nous-mêmes et ces peuples dits “primitifs” est en rapport avec la préférence que, à la différence d’eux, nous éprouvons pour une complétude toujours imaginaire: celle-ci s’oppose au sentiment d’“incomplétude” qui admet le vide, la séparation, le manque, la ré-union, la reconnaissance, la réciprocité, propres au registre du symbolique, registre au contraire bien présent chez les sociétés archaïques.
Nous pensons, depuis toujours en Occident, au moyen de certaines catégories mentales (nous les expliquerons mieux par la suite) telles que l’unité, le plein, le plus (le “toujours plus”), selon une visée que nous avons appelée de complétude. Nous ne consentons jamais à perdre quoi que ce soit et, pour éviter cela, nous énonçons nos actes en termes de maîtrise, d’action “sur” l’autre ou “sur” les autres et, plus récemment, en termes de “gain”.
Cette façon de penser s’est trouvée magnifiée surtout à l’époque moderne avec Locke, qui a théorisé (XVIIème siècle) la naissance de l’individu comme propriétaire de sa vie et de ses biens. En fait, l’individu sera libre de prendre place dans une société à économie marchante pour se vendre sur le marché “à égalité” avec d’autres hommes, également libres de vendre leur force de travail. Cela a conforté et continue de conforter notre façon de penser.
Depuis deux siècles, nous nous représentons comme des agents (économiques) et sommes actuellement devenus des acteurs (sociologiques). Nous nous considérons comme métreurs (de: mètre) et maîtres (dominateurs) de l’univers (que nous nous donnons pour tâche de “maîtriser”), des autres (que nous devons “dominer”, sous peine d’être “dominés”) et de nous-mêmes (comme si l’inconscient ne nous menait pas). Nous nous pensons comme des moi hypertrophiés, depuis le sujet de la philosophie classique –qui se définissait comme raison, conscience et volonté–, jusqu’au moi fort de la psychologie moderne, que celle-ci se propose de fortifier toujours davantage. Dans ce contexte, nos actions sont à analyser en termes de production en tant qu’action sur la nature: c’est par son travail que l’homme agit sur son environnement, dans le but de le maîtriser.
Nous passons le temps à imaginer des stratégies afin d’optimiser nos ressources, toujours rares par rapport à nos désirs, estimés infinis, et recherchons un “bonheur” auquel nous avons, selon nous, tous “droit”.
En conclusion, nous sommes porteurs de valeurs imaginairement fortes, régies par les catégories de la complétude imaginaire: l’unité, le plus et le plein.
C’est justement le privilège accordé à l’imaginaire, ainsi que l’emploi de catégories qui lui sont propres, qui nous amènent à des énonciations désobligeantes, sinon négatives, à l’égard de certains groupes et/ou de certains individus, ce qui nous évite de remettre en question notre propre façon de penser.
C’est l’emploi de ces catégories qui nous amène à penser en termes de pauvreté et exclusion ceux qui ne sont pas “forts”, étant forcément des “faibles” car ils échappent à la mise en scène de la société des “forts”: il est en effet impossible de les appréhender par les catégories de ces derniers.
Les dichotomies “actifs/inactifs”, “forts/faibles”, “riches/pauvres”, “Nord/Sud”, etc., appartiennent à ce plan. La distinction entre sociétés “fortes” et “faibles” aussi. Sur ce plan, en effet, au-delà de la “force” il n’y a que “faiblesse” qui, décrite négativement, est à éliminer.
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